Etre photographe ici n’est pas aisé à cause de certains clichés, mais un photographe est un habitué des clichés… Darimage

La taille moyenne, même légèrement en dessous de la moyenne pour un homme, Richard Dansou était promis il y a encore une décennie, à une carrière exemplaire dans la banque. Dix ans, un déclic et des milliers de clics plus tard, il a réussi à installer sa structure de photographie Darimage dans l’imaginaire béninois, comme une référence en matière de photographie de noir et blanc. Le prestige du noir et la pureté du blanc, il n’en fallait donc pas moins à cet esthète pour déployer une vision toute en art et en pureté du monde.

À à peine plus de 30 ans, celui qui aime bien se délecter de l’igname pilée à la sauce d’arachide, est aussi un passionné de la lecture, des voyages et des promenades. Marié et père d’un enfant, il a déjà éblouit lors de la biennale de Dakar au cours d’une exposition en off, sans compter les expositions à travers le Bénin ainsi qu’en Côte d’Ivoire. Richard écoute du gospel, beaucoup de gospel américain, mais aussi des artistes béninois et africains. L’artiste que nous vous présentons sur TDB aujourd’hui s’appelle, à l’état civil D(ansou) A(gognon) R(ichard) ; ajoutez le mot « IMAGE », et vous obtenez Darimage.


TDB: D’entrée de jeu, certains journalistes vous ont appelé « le maître béninois du noir-blanc ». Est-ce que ce surnom vous convient ?

Darimage: Ce n’est pas un surnom que je découvre pour la première fois. Je m’y accommode avec modestie. Mais à vrai dire je pense que j’ai encore du chemin à faire sur le chemin de l’apprivoisement de ce style assez riche.


TDB: Pourquoi cette préférence pour le noir-blanc ? Est-ce que vous détestez les couleurs ?


Darimage: Le noir et blanc est un style assez simple et épuré. Son côté discret et authentique me fascine. C’est d’ailleurs, je pense, le reflet de ma propre personnalité.
Pour moi aimer le noir et blanc, ce n’est pas détester les couleurs mais plutôt trouver le meilleur compromis car les deux couleurs sont la somme de toutes les couleurs qui existent.

Richard Agognon DANSOU (Darimage)


TDB: Est-ce qu’il faut comprendre que, d’une part, vous ne réalisez jamais des photographies en couleur, et que d’autre part, vous n’en réaliserez jamais ?


Darimage: Un photographe spécialiste du noir et blanc est comme un médecin spécialiste, il a d’abord été généraliste. Et comme le dit un adage : qui peut le plus peut le moins. Pour en venir aux faits oui les couleurs je sais en faire et j’en fais mais c’est l’exception qui confirme la règle de mon addiction au noir et blanc

TDB: Comment définissez-vous la photographie d’art ?


Darimage: La photographie d’art pour moi est celle qui place l’émotion au-dessus de la technique avec le luxe de briser les règles au besoin.


TDB: Comment vous êtes-vous formé à ce métier ?

Darimage: Je suis un autodidacte. J’ai appris la photographie en me laissant guider par la passion et en apprenant d’abord par la pratique et en enseignant très tôt le peu de notions que j’ai accumulé. Aussi, étant un amoureux de la lecture, j’ai lu beaucoup de livres de photographie qui ont contribué aussi bien à renforcer mes bases qu’à forger un discours photographique cohérent.


TDB: Quels sont les artistes qui vous ont influencé ?

Oeuvres de Darimage
Oeuvre de Darimage

Darimage: Etant un amoureux du noir et blanc, la découverte du travail du photographe Sebastiao Salgado m’a beaucoup positivement bouleversé à double titre : il a un parcours académique très impressionnant et en dehors de son style noir et blanc, sa photographie est une gifle d’émotions.

TDB: Vous étiez d’abord employé de banque, ce qu’on appelle vulgairement ici « banquier ». C’est le genre de carrière dont beaucoup rêvent. Pourquoi avoir choisi de délaisser ce métier pour la photographie ? Un appel pressant de l’objectif ?


Darimage: C’est suicidaire de vivre pour le regard des autres. Je ne regrette pas mes cinq années passées en milieu bancaire mais l’appel de la photographie est plus fort que moi et je ne pouvais y résister indéfiniment. L’art est jaloux. Je n’ai pas voulu continuer par faire des infidélités à la photographie.

TDB: Peut-on donc affirmer que le photographe, au Bénin, peut prétendre vivre de son art ?


Darimage: C’est un gros défi, j’en suis conscient. On ne peut que parler des choses que l’on a expérimentées. Depuis que je suis dans la photographie à plein temps je découvre mieux ce métier qui n’est pas aisé sous nos cieux à cause de certains clichés (mais un photographe est un habitué de « clichés »). S’il y a une chose qui est sûre, c’est qu’il y a un potentiel énorme qui existe en photo. Mais il faudra beaucoup se battre pour se hisser au-dessus de la mêlée car dans tous les secteurs, la concurrence est rude en bas de la pyramide mais plus on monte plus les choses deviennent faciles. Donc oui on peut vivre de son art au Bénin mais ce n’est pas gagné d’avance.

Oeuvre de darimage
Oeuvre de Darimage


TDB: Comment en êtes-vous arrivé à la photographie ? À quel âge avez-vous commencé à photographier ?


Darimage: J’ai découvert la photographie alors que j’étais encore au secondaire. Très tôt orphelin de père et de mère, Mariette GARRABE-FERRAN, Présidente de l’ONG Amour Sans Frontières qui m’a récupéré prenait beaucoup de photo. J’ai alors été influencé par la photo auprès d’elle en devenant d’abord un client fidèle des studios photo d’entre temps avant de passer ensuite véritablement à l’action une fois arrivée à l’université.

TDB: La photographie pour vous, qu’est-ce que c’est ? Quelle en est votre vision ? Pourquoi photographiez-vous ?


Darimage: La photographie pour moi est un art. Je suis en tant qu’artiste-photographe, doté d’une vision bi-chromique, je vois le monde en noir et blanc. Je ne photographie toujours pas pour les mêmes buts. Je photographie pour graver l’instant dans la mémoire du temps. Je photographie pour m’émerveiller. Je photographie dans le but de me servir de mon objectif comme une plume afin de m’adresser à mes contemporains.


TDB: Au-delà du clic du photographe que tout le monde connaît, est-ce que vous pouvez nous décrire le processus complet pour obtenir une photographie d’art ?


Darimage: Pour obtenir une photo d’art, ça part généralement d’une idée ou même d’une frustration. Ensuite j’esquisse une intention artistique. Je passe après à la prise des photos pour finir par la retouche photo. Mais il m’arrive aussi de prendre une série de photos sans, au début trouver le but de la série. Je réponds juste à un ordre interne de photographier jusqu’à ce que tout le travail prenne corps et que son sens entier ne me soit révélé. Je n’ai donc pas une démarche unique en la matière.

Oeuvre de Darimage


TDB: Les poètes hommes en général, aiment photographier les femmes, certainement en raison de la grâce que peut véhiculer un modèle féminin. Quel est vous, votre rapport à la femme ?


Darimage: J’ai aussi énormément photographié la femme. D’ailleurs l’une de mes séries s’intitule « Chaque femme qu’on enseigne ». La femme africaine, notre Eve de l’Eden est une muse. Elle inspire l’artiste.


TDB: Laquelle des scènes, des images ou des personnes que vous avez déjà photographiées, vous a apporté le plus d’émotion positive ? Pourquoi ?

Darimage: Généralement, il y a les spectacles de théâtre et accessoirement de danse contemporaine. J’ai découvert le théâtre à mes débuts de la pratique de la photo. Cela a été un gros challenge de l’appréhender mais aujourd’hui la scène me procure beaucoup de bonheur. J’aime les lumières tamisées de la scène, j’aime leur coté intimiste. D’ailleurs, la façon dont je photographie en studio est une sorte transposition de la scène théâtrale puisque le clair-obscur est très présent dans mon travail de studio.


TDB: A contrario, quelle est cette photographie que vous avez réalisée à regret ?


Darimage: Il m’est arrivé quelques rares fois de faire des photos de funérailles pour graver le temps. Je ne dirai pas que c’est à regret mais à vrai dire cela ne m’emballe pas. Je n’y tire pas du plaisir.

Oeuvre de Darimage


TDB: Laquelle de vos photographies a obtenu le plus grand succès ?

Darimage: Il s’agit de mon exposition permanente dans deux bibliothèques de BENIN EXCELLENCE / FONDATION VALLET de ma série « Chaque femme qu’on enseigne » qui traite de livre. C’est un plaisir pour moi de voir des photos de mon travail traitant de livre dans des espaces de lecture.


TDB: Quelle est la personnalité que vous rêvez de photographier ?


Darimage: Sebastiao Salgado, le photographe qui m’inspire le plus.

TDB: Qui peut prétendre être photographié par Richard Dansou ?


Darimage: N’importe qui, pourvu que la personne s’en donne les moyens ou que mon objectif jette son dévolu sur elle.


TDB: Travaillez-vous sur commande ?

Darimage
Darimage


Darimage: Oui je travaille sur commande à côté de mes projets artistiques.


TDB: Avez-vous déjà eu à travailler hors du Bénin ?

Darimage: J’ai eu à faire des photos sur des festivals au TOGO en 2018 et en COTE D’IVOIRE en 2020.


TDB: Avec l’apparition des appareils photos de portables de dernière génération, et des logiciels et applications de retouche de toutes gammes, chacun chez lui peut se dire photographe. Vous sentez-vous inquiété dans votre métier par ce fait ?


Darimage: Dans tous les ménages, des femmes et des hommes font la cuisine. Mais tout le monde n’est pas un Chef et les restaurants fleurissent toujours. L’amateurisme existera toujours mais n’éliminera pas le besoin en professionnalisme. J’aime être exigeant vis-à-vis de moi-même et à mettre la barre haut. On peut acheter un appareil photo mais l’œil d’un professionnel ne figure pas dans le manuel d’utilisateur.


TDB: Vous venez d’installer un studio à Cotonou ? Qu’est-ce qu’on y trouve ?


Darimage: On y trouve une galerie qui est un espace d’exposition de mon travail photographique et un espace où je photographie mes clients et mes modèles.


TDB: Si vous deviez évaluer toutes ces années d’expérience…

Oeuvre de Darimage

Darimage: J’ai beaucoup appris au fil des années et c’est vraiment important. J’ai mis beaucoup de temps à apprendre parce que je suis un autodidacte.


TDB: Quelles sont vos perspectives de carrière ?

Darimage: Continuer à faire ce que j’aime c’est-à-dire la photographie et la hisser le plus haut possible. Faire de DARIMAGE une marque plus forte et qui dépasse ma propre personne.

Propos recueillis par Carmen TOUDONOU (Contributrice)

(c) Talents Du Bénin 2020

DARIMAGE, le pape du cliché noir-blanc

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